lundi 10 novembre 2008

Pseudoinyme

Pour le tryptique « Seudedónimo » des Récits 35, 88 et 101 : mot-valise de « dedo », le doigt, et « seudónimo », le pseudonyme : quelque chose comme le pseudoinyme. Les doigts parlent en lieu et place du photographe ; les doigts n’en sont pas. Dans le récit 35, l’ombre de la main droite est déployée sur une flaque, et le photographe n’en capte que le reflet, ou l’ombre dans la deuxième photo. Geste pour qui ? Pour lui-même, clin d’oeil enfantin, plus gravement : suis-je là, est-ce bien moi qui fais signe ? Cette ombre, ce reflet, sont-ils de moi ? Geste archaïque (le récit 88 met en scène une main tenant un os de dinosaure, une patte de ñandu ) pour conjurer magiquement ce qui pourrait me voler mon identité (et l’on sait la croyance née en même temps que la photographie- voleuse d’âme) ; geste inaugural, qui me pose là ; geste fixé sur la photo, car on ne sait jamais (il en est qui perdirent leur ombre à la suite d’un mauvais pacte). La dernière photo montre un main saisissant l'eau de la douche en une inhabituelle contorsion ; corps de femme à la toilette, mais partiel, morcelé.

Le doigt désigne une réalité dans l'espace, le pseudonyme désigne quelqu'un d'un nom qui n'est pas l'original. L'emboîtement des mots permet de dire que le doigt désigne quelqu'un d'un nom qui n'est pas l'original, et que le pseudonyme désigne une réalité dans l'espace. Cette équivalence que permet le mot-valise est à l'oeuvre dans l'espace photographique qu'elle légende : il y aurait là un tour de passe-passe, une identité masquée. On peut alors gloser sur la portée de l'acte photographique, dont l'un des effets serait de masquer cela même qu'elle montre. Cette trahison trouve une illustration quasi comique dans ce récit 88, où l'animal préhistorique répond à l'humain moderne, homo economicus contre dinosaure – et comme souvent, l'humour tient autant au plaisir ludique du mot-valise qu' à la vue plongeante commune aux quatre photos.

Le récit 101 est proprement fabuleux : une main tendue vers l’ombre, aux doigts prêts à irradier la lumière ; une main en gloire qui fait s’illuminer la cathédrale de Chartres en un geste démiurgique ! Le « lux fuit » m’amuse beaucoup.


A propos d'un autre jeu de mot : la légende « Nouevau » du récit 41. Déplaçons le « e » et nous obtenons « nouveau », ce que signifie l'adjectif espagnol « nuevo », à lire « nouévo ». Les deux langues se doublent et se nouent dans l'homophonie, comme la graphie le suggère. Qu'attend la femme du récit 41 ? Elle regarde intensément les oiseaux. La chute d'une fiente ? Quel dénouement ?

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