samedi 1 novembre 2008

Des Séries photographiques, ou ce que j’en ai vu.


J'inaugure une nouvelle série : ce que j'ai vu des Récits photographiques du site Anoche hubo una tormenta de l'écrivain-photographe Christophe Macquet.

Me fascinent particulièrement ces récits :


Récit 70, « Le fascisme argentin ». Un homme âgé, personnage central de la photo, debout, au garde à vous ou fixé dans la marche, derrière une haie de roses, dans un jardin public ?, sur fond urbain de bâtiment public blanc qui permet au sujet de se détacher. La photo est prise à Entre-Ríos, en Argentine. N’était le titre, j’y verrais un retraité, un promeneur grave, absorbé par quelque chose, quelqu’un, en hors-champ, ou sous le coup de sombres pensées. Mais le titre, par sa charge historique, confère au personnage une aura terrible. Est-ce un militaire de la junte à la retraite ? Un bourreau du dictateur Videla ? La haie de roses est d’autant plus troublante ; les fleurs s’effacent, les tiges évoquent des barbelés, la chemise du vieil homme prend une teinte kaki. Le personnage devient allégorique, il incarne à lui seul le fascisme argentin. La photo unique devient un moment de l’Histoire, le « récit » est fait par nous, spectateurs, qui comblons l’ellipse, l’implicite.

Récit 73, « Caisson transsibérien ». A l’étanchéité du caisson répond la photo identique en première et dernière position : récit bouclé sur lui-même, ouvert et clos sur le photographe assis dans un couloir de wagon du Transsibérien, fumant et vivant, dans l’entre-deux du voyage. La pose est relâchée, peut-être le personnage s’ennuie-t-il. La tête est floue, prise alors qu’elle tournait. Le sujet s’est fait prendre en photo.

La même photo « enferme » les six autres, les plaçant sous le signe du transit (le Transsibérien), de l’esseulement, du confinement (le personnage est cadré très serré). Le noir et blanc accentue une certaine austérité de la photo.

Les huit autres photos vivent leur vie propre : en couleur, elles sont le contrepoint des photos-cadre. Le transit, l’entre-deux disparaissent au profit des lieux de destination, le terne s’illumine, le caisson s’ouvre. Pérou, Argentine, Chine, France, Laos : trois continents. Le végétal, l’animal, l’humain. Le bouillonnement liquide du lac Titicaca -mais l’oeil hésite, ce pourrait être de la glace. La paisible vie parasitaire de champignons sur le tronc d’un arbre, séduisante par le contraste des textures lisse et rugueuse, des teintes sombre et claire. L’érotisme d’une femme endormie, entre l’ovale illuminé du visage et le grain de la peau du corps (pas de lyrisme : la faïence blanche des toilettes le rappelle, en haut à gauche) ; le combat entre le chien et l’otarie – qui aura gagné ? ; la composition rouge-vif de poissons éventrés sur une claie : voyez, c’est ça, le dedans du corps ; les grands espaces de la Patagonie (une hacienda ?), un pick-up. Une attention à tout ce qui vit, bouge, dort, disparaît, combat, meurt.

Et le caisson se referme sur la photo du début.

Voilà ce que le voyage peut faire, mais voyez-en aussi les limites. On s’y fait toujours prendre.



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