samedi 15 novembre 2008

Le miroir de sorcière




















Le récit 99 est emblématique du thème de la vitre-écran, de la vitre-miroir. J'en aime particulièrement la troisième photographie. Il m'évoque un « miroir de sorcière », de ceux que l'on trouvait dans la peinture flamande. C'est ici le hublot fendillé d'une porte de train où le paysage s'inscrit davantage comme un reflet que par transparence. Cadrage serré et contre-jour lui font un cadre noir. On en devine la convexité, on en voit le grain : le plastique fatigué par la lumière, l'auréole terne, l'impact du projectile qui l'a fendillé, les rayures laissées par les voyageurs, toutes traces laissées sur cette drôle de membrane entre le dedans et le dehors, entre l'immobile voyageur qui regarde et le paysage qui (se) défile ; sur cet espace de désir par où l'oeil toujours s'en va ; oeil-hublot, hublot-objectif qui fait du wagon une boîte noire. La photographie ne cesse d'être mise en scène, ici des poupées gigognes (l'oeil dans l'appareil dans le wagon) ; « ce qu'on photographie, c'est le fait qu'on prend une photo » (Denis Roche).

Mais ce n'est là que la dernière photographie. La première me fait penser à une image de Shoah (le regard perdu de l'homme, le train...) La seconde, telle une histoire naturelle, me fait dire que l'insecte vaut tout autant que la paysage : la vitre s'opacifie par la courte profondeur de champ et devient lamelle où l'on observe.

Le rythme des trois photographies repose sur l'horizontal, le vertical et le rond ; l'oblique franche de la première photo s'abaisse dans la deuxième (le rail) et s'assagit dans le cadre noir du miroir. Le paysage gîte dans les deux premières photos (il les habite à tribord puis à bâbord), c'est un navire-wagon, tout de mouvement, pour se geler tel le tain d'un miroir.



1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oui, je ne pouvais pas rater ce hublot.