mardi 26 juin 2007

M / W : l’idéogramme et la lettre dans deux récits de Pacheco et Perec :

Un avant-goût de cet essai publié en juin 2007 et traduit par Silvia Eugenia Castillero dans la revue Luvina nº 47 de l'Université de Guadalajara :

Ma lecture de Morirás lejos, du Mexicain José Emilio Pacheco (1967), et de W ou le souvenir d’enfance, du Français Georges Perec (1975) s’intéresse tant à leur proximité thématique, la Shoah, qu’ au statut particulier accordé à l’idéogramme, et aux lettres uniques (M, W, X) dans ces récits. Pourquoi l’unicité d’une lettre de l’alphabet ? Pourquoi les idéogrammes au seuil des chapitres ? Comment sont-ils des points d’ancrage d’un récit sapé par l’impossibilité de dire ? Choix éthique et esthétique à la croisée de deux cultures partageant une même Histoire.

My reading of Morirás lejos, of the Mexican writer José Emilio Pacheco (1967), and of W ou le souvenir d’enfance, of the French writer Georges Perec ( 1975 ) not only concerns their thematic closeness, the Holocaust, but also the particular status granted in these narratives to the ideogram and to the single letters ( M, W, X ). Why choosing the uniqueness of an alphabetical letter ? Why using ideograms at the beginning of the chapters ? How do they happen to be the anchoring point of a narrative undermined by the impossibility to say ? An ethical and aesthetic choice at the crossroads of two cultures sharing a same History.




Un clin d'oeil à Hubert Antoine, auteur d'Introduction à tout autre chose....(Gallimard Verticale)

vendredi 8 juin 2007

Miracles urbains : 1.

Sur l'avenue la plus bruyante advient parfois un grand silence. Par quel imprévisible hasard les milliers d'égos roulants parviennent-ils à la concorde pour faire voeu de silence ? L'avenue est toute saisie de cette soudaine aphonie - je m'arrête moi aussi, j'attends sans impatience le premier klaxon, la première accélération qui rompra la fragile trêve. Hasard ou Malin Génie, allez savoir. Mais il désenchante l'avenue, la renvoie au bruit. Mes tympans quittent le cloitre pour les Quarantièmes rugissants.

Des terres labiles aux langues étranges

Le Mexique, le Japon : les antipodes sismiques. Le Mexique fut le premier décollement d'avec la réalité française, si terne, si convenue, si déjà vue. Neuf ans passés au Mexique, à sucer l'espagnol et le soleil jusqu'à plus soif, et jamais d'ennui. L'espagnol et sa sororité trompeuse avec le français ! Tant de chemins de traverse ! Au départ, c'était pour pouvoir lire Borgès "dans le texte", Borgès qui m'avait ébloui quand je l'ai découvert, en France. Puis, Octavio Paz, Carlos Fuentes, Juan Rulfo, José Emilio Pacheco. Quel compagnonnage !
Si je devais affecter une culture du coefficient d'étrangeté maximum : le Japon. J'y arrivai analphabète, goûteux paradoxe pour un professeur de français. Alors, c'est cela que l'on sent quand on ne sait pas lire ! Ces idéogrammes vibrionnant de tous côtés, qui ne laissent jamais le regard en repos, cette tension de tous les instants, c'est cela ! Quelle fatigue ! J'y étais. L'opacité du monde à son paroxysme. La pellicule des choses si bien collée, que des heures d'apprentissage du japonais parvenaient à peine à entamer. Et de brefs décollements, propres à vous dégoûter puisqu'ils laissent entrapercevoir un abîme : un tourbillon de significations, d'homonymes, de combinaisons infinies. L'on croit en saisir une, que déjà elle se dérobe, amusée de vos efforts de gaijin, d'étranger. Bah ! bien fait pour moi. Il reste l'insigne plaisir de la calligraphie, de ces signes pour rien, forêts d'idéogrammes caressés de loin, pour la beauté du geste.

Avenida Vallarta


Petite momie grisâtre privée de jambes, adossée au pilier du terre-plein central : une vieille femme !

Avenida Chapultepec


À la croisée des avenues Chapultepec et La Paz, une vieille femme passe ses journées, assise sur un muret en béton, pliée en deux plutôt qu’assise. Elle ne mendie pas. Elle somnole accrochée à une béquille, regarde le flot ininterrompu des machines et des gens. Elle mange, urine et défèque au même endroit : la rue est sa maison. (Elle a coincé sur sa béquille des carrés de papier journal et ainsi se nettoie). Heures de fumées, de klaxons, de soleil et de pluie.

Punctum : le béton souillé de ses déjections. Elle ne se lève pas pour pisser. Un regard posé là, abandonné à la gravité des humeurs liquides et fécales.

lundi 4 juin 2007

Calle Libertad

La mendiante aux cheveux courts doit être assez âgée. Droite, souriante et décemment vêtue, elle lit adossée à un mur ou une voiture des dépliants publicitaires, des journaux. Elle maraude autour du café Lulio. Elle s’avise soudain de sacs poubelles sur le trottoir d’en face, agite une main émue, traverse la rue, adresse un doigt comminatoire à une vieille paire de chaussures qui trône sur un sac, comme pour les gronder, et retourne à sa lecture.

vendredi 1 juin 2007

Memento mori mexicain

De la mort, sans exagérer. "Catrinas" mexicaines, au grinçant sourire et aux articulations délicates...