vendredi 14 novembre 2008

Médusé




Il me semble qu'un avatar de l'oeil est mis en scène dans ces récits. Le récit 102 est médusant : « L'Oeil inimaginaire » pourrait être celui d'une morte (« inimaginaire » : bien réel, je n'ai pas rêvé ; mais aussi « inimaginable », qui m'échappe encore et toujours) ; les paupières entrouvertes ne laissent apparaître que le reflet de la lumière des vivants. Moins dramatiquement, la dormeuse est surprise dans son sommeil, ou au réveil. Elle me rappelle ces vers de Paul Valéry : « ...malgré l'âme absente, occupée aux enfers, / Ta forme au ventre pur qu'un bras fluide drape, / Veille ; ta forme veille, et mes yeux sont ouverts. » (« La Dormeuse », in Charmes). Comme si, à l'instar du vers poétique, la photographie opérait comme un charme, capable, qui sait, de guetter à l'entrée des enfers, de capter dans l'oeil entrouvert quelque chose de l'insondable mystère du sommeil, de cet autre de l'autre quand il dort. Dans le « Prétexte O » du récit 42, le rond court de photo en photo, comme un symbole fondamental à l'oeuvre dans la voûte d'une gare, dans la glaise, le métal, l'eau, le verre, la vannerie. Le photographe est le déchiffreur des symboles, l'objectif est son médium entre le monde sensible et le monde intelligible. Le cercle est aussi la roue dans le cimetière chinois de la photo 10 : roue à huit rayons, huit directions de l'espace, symbole du monde (le moyeu en est le centre immobile, le périmètre en est le rayonnement). C'est aussi le rond du verre, prisme supplémentaire de la photo 6 du récit 42 ; ou celui des « Deux centres » du récit 4, autre centre immobile autour de quoi tourne le monde du photographe. Nouvelle cosmogonie qui tient dans une main, celle qui agrippe fermement le verre comme s'il était le seul axe fiable, celle qui recèle un coeur, histoire d'avoir le coeur sur la main dans la photo 5 du récit 24, « Méditations indépendantes ».

Le rond est aussi réticule, par où l'on vise : le chien en ligne de mire (photo 8, récit 42).

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