samedi 13 juin 2009

D'un cadre l'autre


Ce récit condense plusieurs des thèmes chers au photographe. Il met en scène, au-delà de l'anecdote personnelle de la convalescence, les dispositifs optiques du miroir, de l'oeil sous ses multiples avatars, de la tache, du point de fuite surexposé.
La tache lumineuse se réfléchit sur le miroir pour s'imposer sur l'oeil (je ne m'attarde pas sur l'évidence de la mise en scène de l'acte photographique). Ce qui m'attire, ici, c'est le découpage géométrique fait par la lumière, qui délimite un champ opératoire : voici l'organe qui opère, l'oeil qui compute la réalité visible. La maladie virale n'apparaît plus que dans ses séquelles, sur un visage blafard, dans la tuméfaction de l'oeil illuminé, comme si l'infection virale avait gagné l'oeil.
Le corps est pris dans le faisceau des rais lumineux qui émanent du point de fuite surexposé, comme dans le récit "L'irrésistible réduction du cadre " :

Si bien que l'oeil, le nôtre, hésite : le carré blanc happe la regard, mais les traits des visages nous attirent également. Cette irradiation gêne autant qu'elle équilibre la composition. Elle gêne par son intensité, elle inquiète parce qu'elle est dos au sujet, qui fait écran. On retrouve cette présence du cadre dans le cadre à plusieurs reprises : Un oiseau, Diaphragme hexagonal...
La photographie fait manchon. Elle cadre une première fois en délimitant champ et hors-champ ; elle cadre une dernière fois en imposant à l'oeil spectateur une limite parfois agressive (la surexposition) et réductrice (le cadre dans le cadre). C'est sans doute ce que signifie le titre du récit " L'irrésistible réduction du cadre ", qui désigne un mode opératoire du photographe ; et qu'éclaire encore la citation d'Ecuador de Michaux qui donne son titre à un autre récit : "Le passage est pris dans un manchon pensant". Le spectateur n'a guère le choix : s'il regarde, son oeil est pris, happé dans cet espace prédateur d'un cadre à l'autre. Ce n'est pas le moindre intérêt de cette oeuvre, d'ailleurs, que de mettre en oeuvre cette double prédation : celle du photographe envers son sujet, et envers son spectateur.

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