vendredi 8 juin 2007

Des terres labiles aux langues étranges

Le Mexique, le Japon : les antipodes sismiques. Le Mexique fut le premier décollement d'avec la réalité française, si terne, si convenue, si déjà vue. Neuf ans passés au Mexique, à sucer l'espagnol et le soleil jusqu'à plus soif, et jamais d'ennui. L'espagnol et sa sororité trompeuse avec le français ! Tant de chemins de traverse ! Au départ, c'était pour pouvoir lire Borgès "dans le texte", Borgès qui m'avait ébloui quand je l'ai découvert, en France. Puis, Octavio Paz, Carlos Fuentes, Juan Rulfo, José Emilio Pacheco. Quel compagnonnage !
Si je devais affecter une culture du coefficient d'étrangeté maximum : le Japon. J'y arrivai analphabète, goûteux paradoxe pour un professeur de français. Alors, c'est cela que l'on sent quand on ne sait pas lire ! Ces idéogrammes vibrionnant de tous côtés, qui ne laissent jamais le regard en repos, cette tension de tous les instants, c'est cela ! Quelle fatigue ! J'y étais. L'opacité du monde à son paroxysme. La pellicule des choses si bien collée, que des heures d'apprentissage du japonais parvenaient à peine à entamer. Et de brefs décollements, propres à vous dégoûter puisqu'ils laissent entrapercevoir un abîme : un tourbillon de significations, d'homonymes, de combinaisons infinies. L'on croit en saisir une, que déjà elle se dérobe, amusée de vos efforts de gaijin, d'étranger. Bah ! bien fait pour moi. Il reste l'insigne plaisir de la calligraphie, de ces signes pour rien, forêts d'idéogrammes caressés de loin, pour la beauté du geste.

Aucun commentaire: